Toi ma fille

Tu es née en juillet, avec 2 semaines d'avance ( après une grossesse passée à vomir tripes et boyaux), l'accouchement se passait bien, nous étions ton papa, moi et la sage femme, puis tout à coup le ton a changé, bcp de blouses vertes sont arrivées, on m'a dit " madame, le bébé ne respire plus il faut le sortir vite" on a dit à ton papa " monsieur, reculez mettez vous là bas" puis ils ont pris un affreux instrument ( de torture ? ) ils ont appuyés fort, très fort, trop fort sur mon ventre, tout en tirant fort fort sur ce truc , les forceps, puis tu es sortie, quelqu'un est sorti de la salle avec toi, je suppose pour te forcer a respirer. Puis on t'a ramenée à moi, en me disant, "c'est une fille madame, elle est magnifique ! " Alors on a posé un bébé avec une tête de boxeur, toute sale et avec des plaies sur les côtés, moi je te trouvais plutot moche, en plus j'étais persuadée d'avoir un garçon, et en plus j'avais maaaaal, alors je t'ai repoussée et j'ai dit " donnez la à son papa"

Est venu le temps de l'allaitement, j'ai pas réussi, j'avais mal, très mal, partout, et je n'étais pas bien, l'hopital me rappelait mes années sombres, j'avais l'impression d'être enfermée, je ne disais rien, car ton papa rayonnait alors je suppose que je devais moi aussi être heureuse. Je ne te trouvais pas jolie, tu ressemblais tellement à ton papa que tu ne pouvais qu'être un garçon. J'ai abandonné l'allaitement, je n'étais pas à l'aise avec , trop " animal" pour moi, trop douloureux, et puis tu ne buvais rien depuis 3 jours, alors le biberon s'est imposé à moi, j'ai échoué .

Puis nous sommes sorties, j'avais toujours aussi mal, 12 points de sutures tout de même, et je ne disais rien, je pensais que c'était normal, et puis j'étais mal, j'avais du mal avec toi mais je ne disais rien. Les mois ont passés, la douleur a fini par s'estomper.

Mais toi, tu pleurais beaucoup, tu n'arrivais pas a changer de lieu facilement, tu pleurais quand tu n'étais pas avec moi ou ton papa, et ce depuis ton plus jeune âge. " Tu verras un nourrisson ça se trimballe partout et puis ça dort tout le temps" Un nourrisson ça dort tout le temps mais ça se réveille tout le temps aussi. Et puis toi on ne pouvait t'emmener nulle part. Et moi je n'étais toujours pas bien, mais je ne disais rien, après tout je l'ai voulu cet enfant et puis à 30ans on est capable de s'en occuper, non ?

Les mois ont passé, tu as grandi, je t'ai beaucoup poussée, j'étais à nouveau enceinte, alors à 4mois quand ont m'a dit " oh le beau bébé tout neuf" j'ai répondu " oh pas si neuf que ça il a déja 4 mois ! " 4 mois !!!! mais c'est tout neuf en vrai !!

Tu tenais assise à 5 mois, marchait à moins de 10 mois, à 14 mois tu n'étais plus dans la poussette, " allez marche, tu n'es plus un bébé" et puis c'est vraie tu étais déjà grande soeur, j'ai été dure avec toi....

Je t'aimais mais , tu ressemblais toujours autant à ton père, donc toujours autant à un garçon, tes cheveux ne poussaient pas du tout et puis ..... tu pleurais, dès que tu n'étais pas dans la même pièce que moi, tu pleurais dès qu'on partait quelque part, alors moi je m'épuisais, je me sentais harcelée.

Nous avons essayé de te mettre 2 matinées par semaine à la garderie, mais tu pleurais tellement qu'on m'a conseillé d'arreter et d'aller voir un psy ..... Un psy !!! mais elle n'a que 18 mois ne parle pas que voulez vous que j'aille faire chez un psy ! Et puis même si l'extérieur te faisait toujours aussi peur tu t'ouvrais , un peu, à ton rythme, ton parrain avait même pu te prendre dans les bras, sans que tu pleures, alors ..... ça allait passer .... je voulais me convaincre.

Puis tu as grandi, tu as eu 2 ans, en parlant tu as réussi à vaincre beaucoup de tes peurs, tu étais même capable de jouer chez des copains ( sans rester sur mes genoux, mais toujours dans la même pièce fallait pas pousser !) nous attendions ton 2e petit frère, tout rentrait dans l'ordre, tu allais à la garderie cette fois ci, 2 matinées par semaine, avec ton frère qui avait un an, ca se passait bien, enfin relativement bien....

Nous avons déménagé, changé de ville, nous sommes arrivés en plein hiver, il avait beaucoup neigé, tu as commencé par ne plus beaucoup dormir, puis bcp pleurer , et finalement ne plus dormir du tout la nuit, des nuits blanches à 2.5ans !  j'étais fatiguée, je ne comprenais pas, désemparée même. Nos voisins du dessous avait entrepris de nous harceler à coup de balai dans le mur quand il y avait des pleurs, et yen avait beaucoup des pleurs !  ça n'arrangeait rien .... J'étais mal tu étais mal ...... et puis moi je te repoussais aussi, car tu me harcelais, depuis ta naissance tu ne pouvais pas être dans une autre pièce que moi alors plus je te repoussais plus tu me "collais".

Nous avons fini par consulter, cela fait maintenant 2ans que tu es suivie. et je te retrouve ma grande fille, petit à petit, nous nous réapprivoisons, tu me laisse respirer, je te donne plus de calins, tu joues et je te fais plus de bisous. Tu as même réussi à rentrer à l'école il y a plus d'un an sans problème, ce qu'on était fier ton papa et moi. Car quand on a un enfant comme toi, le moindre évênement normal parait extraordinaire. Tu as pu aller dormir 1 nuit chez tes grands parents, chaque victoire était magique.

Et maintenant, même si tout n'est pas rentré dans l'ordre, personne ne peut imaginer que tu étais comme ça avant, nos familles te trouvent transformée, tu es bavarde, tu as des amis et tu vas même jouer toute seule chez eux, tu es allée dormir une nuit chez une copine , quel progrès ! Alors bien sûr tu nous demande toujours un peu plus d'attention , nous vivons certains jours, de gros retours en arrière, qui nous déstabilisent et nous attristent, mais rien de comparable avec ce que nous avons vécu avant !

Nous nous réconcilions, j'aime enfin passer du temps avec toi, je te regarde évoluer et grandir et je suis fière de toi. Bien entendu l'équilibre est encore fragile, tu as terriblement besoin de moi, de nous. Tu me prend toujours beaucoup d'énergie, ta demande est toujours très forte !

Ma grande fille, à qui les années vont si bien, 4,5ans, tu es transformée ! continues comme ça ma chérie papa et moi sommes très fiers de toi.

Nous t'aimons

Je t'aime